Le Filmographe

"Metropolis", patrimoine mondial pour générations futures


Prémonitoire et désespérant, l'avenir vu par Fritz Lang dans "Metropolis" en 1927 racontait l'imminente descente aux enfers de l'humanité et marque toujours la SF moderne, raconte l'exposition qui lui est consacrée à la Cinémathèque française, à Paris.

A voir à partir de mercredi 19 octobre (jusqu'au 19 janvier 2012), le parcours propose de nombreuses archives rares et spectaculaires d'un film qui avait tout inventé : maquettes, croquis, affiches, photos de plateaux, prêtées par la Cinémathèque de Berlin ou propriétés de celle de Paris, comme les 831 dessins d'architectes et photos originales, confiés par une amie du cinéaste à Henri Langlois, son fondateur.

A cette précieuse collection, s'ajoute une rareté : la copie du robot de Métropolis grandeur nature (1,70 m environ) en bois et résine.

"L'original a disparu mais en 1970 la cinémathèque de Berlin a demandé au décorateur du film, Walter Schutz-Mittendorf, encore vivant, d'en refaire un à l'identique", rapporte Laurent Mannoni, directeur scientifique de la Cinémathèque française, particulièrement fier d'exhiber la statue restée jusqu'à présent dans les réserves.

C'est ce robot qui conduit en 2026 la révolte des ouvriers, enchaînés à la tâche dans les souterrains de Métropolis pour assurer bonheur et prospérité aux riches insouciants qui dansent dans les jardins suspendus de la "Ville haute".

Le robot de Fritz Lang, généré par ce cauchemar urbain, n'a cessé d'essaimer depuis dans le cinéma mondial jusqu'à Star Wars, tout comme son savant-fou, ou la ville tentaculaire.

"Fritz Lang s'avère le père fondateur du cinéma de science-fiction et des effets spéciaux par ses décors, son expressionnisme gothique", souligne Serge Toubiana, le directeur-général de la Cinémathèque, en rappelant que le cinéaste avait suivi des études d'architecture recyclées avec profit dans les décors de Métropolis - nourris par un voyage à New York, mais conçus avant.

Serge Toubiana cite entre autres l'esthétique des Batman et bien d'autres, comme "Blade runner" de Ridley Scott ou le "Le Cinquième Elément" de Luc Besson, qui s'en sont ouvertement inspirés.

"A l'heure du numérique, les effets spéciaux tiennent toujours. Rien n'est désuet dans les décors", insiste Laurent Mannoni.

L'exposition raconte ce tournage épique, qui fut longtemps le plus coûteux financé par l'UFA, le grand studio allemand de l'entre-deux guerres : 311 jours et 60 nuits, 620 km de négatifs, 36.000 figurants, 1.100 chauves, 6 milliards de marks et seulement 75.000 marks de recettes.

Le film à sa sortie fait un bide. De la faute des producteurs, estime Laurent Mannoni, qui ont eu la main lourde au montage de ce film visionnaire.

Car tout est dit de la "taylorisation" du travail jusqu'aux cohortes rasées poussées vers la gueule béante et fumante du "Moloch".

Après des décennies de mutilations et de remontages approximatifs, plus personne ne savait au juste à quoi ressemblait la version de son créateur.

D'autant que Fritz Lang avait tourné avec trois caméras et que les kilomètres de négatifs ont été dispersés dans l'Europe entière et aux Etats-Unis : "Chaque fois qu'on retrouvait un fragment, on se demandait à quelle version il appartenait", raconte Laurent Mannoni.

En 2003, 20 minutes oubliées et très dégradées étaient exhumées des archives de la cinémathèque de Buenos Aires, qui ont permis de restaurer le film dans sa version initiale.

"Métropolis", premier film de fiction à intégrer le registre "Mémoire du monde" de l'UNESCO - qui vise à conserver le patrimoine documentaire - reste d'une actualité brûlante.

 

Paris, 18 octobre 2011



23/10/2011
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